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    Mamallapuram Hospital

    Dolma
    Dolma


    Localisation : Je m'balade sur les chemins...

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    Message par Dolma Mer 6 Jan - 16:15

    Information aux lecteurs :
    Ce texte est de Geob mais comme il ne sait pas le mettre ici avec les paragraphes il m'a chargé de le faire à sa place et comme je suis dévouée et compatissante et tout et tout eh bien voilà !

    Bonne lecture


    Dolma sourire


    La boutique "J.K.Books" à Mamallapuram appartenait à un catholique tamoul, mais sa principale occupation consistait surtout à se procurer de l'argent facile avec le "business" des orphelinats, une spécialité de cette petite ville au sud de Chennai. Pour l'échange et la vente des livres, amener les touristes voir les chambres à louer dans la grande maison de son oncle située au milieu du quartier des pêcheurs, assurer une permanence tandis qu'il allait boire une bière avec ses amis, il comptait sur Vimaya, une jeune fille de 18 ans qui parlait couramment anglais ; elle était fiancée à un pêcheur de Pondichery, un sacré buveur me précisa charitablement l'employeur de Vimaya, et il ne manqua pas de me décrire la vie de cette dernière, une fois mariée, entre lessives, cuisine, enfants à élever tant bien que mal, et les baffes de son mari quand il rentrerait à la maison complètement saoul. Pour me dire cela, ce catholique indien affichait une mine apitoyée, hypocrite.
    Tous les jours, entre 16/17 h, je passais chez "J.K.Books", je regardais les rayons des livres en francais, échangeais quelques mots avec Vimaya qui me donnait les dernières nouvelles du quartier, elle me signalait aussi si j'avais de nouveaux co-locataires, et parfois il m'arrivait de garder la boutique tandis qu'elle accompagnait un touriste qui désirait visiter une chambre, mais jamais seule, elle se débrouillait toujours pour être escortée par une voisine, car elle craignait terriblement que l'entourage de son fiancé apprenne qu'on l'avait vue dehors, seule, avec un homme.
    Dès que j'entrais, Vimaya posait la question rituelle :
    - How are you today?
    Cet après-midi là je répondis...ce fut plutôt une lamentation : je ne vais pas bien, je me sens fatigué, j'ai mal aux doigts, aux coudes...
    Vimaya me demanda avec un grand sourire :
    - Tu n'as pas mal aux genoux ?
    - Ah ben tiens, oui, c'est vrai ça !
    Alors, dans un grand éclat de rire qui résonne encore dans mes oreilles - sur le coup, ça m'avait mortifié :
    - Tu as le chikunguya !
    Pliée en deux, Vimaya ! Elle se tenait les côtes !
    Moi, je ne riais pas. Quand on nous annonce une nouvelle à laquelle on ne s'attend pas, l'esprit a tendance à se bloquer et on se dit alors pourquoi moi, moi qui ne gagne jamais au loto je gagne toujours le gros lot des ennuis !
    - Tu es sûre ?
    - Oui, oui, demain, il faut que tu ailles à l'hôpital, plein de gens ont le chikunguya en ce moment !
    C'était le mois de novembre, et la saison des pluies n'était pas terminée.

    Le lendemain matin, je me rendis au "Mamallapuram Hospital". Qu'on n'imagine pas un bâtiment aux normes qui nous sont habituelles, non, car on voit une grande maison avec un étage plutôt qu'une unité de soins. Devant la porte d'entrée, des sandales, des tongs et des chaussures dépareillées, sous une masse vombrissante de mouches, me signalaient que les consultations avaient commencé depuis belle lurette. Je poussai la porte d'entrée qui permet d'accéder tout de suite au hall d'accueil - le hall ! Un bien grand mot pour un espace aussi sombre, sans fenêtre ouverte sur la lumière du jour. Ce lieu confiné intensifia mon impression qu'il y avait décidément trop de monde. Tous les visages de ces hommes et de ces femmes de Mamallapuram reflètaient le fatalisme, la résignation, et je lisais dans leurs yeux une souffrance qui rendait la mienne anecdotique. Non loin de moi, une mère tenait dans ses bras un enfant malingre qui ne cessait de tousser, d'une toux qui lui déchirait la poitrine, une autre berçait son bébé qui pleurait, tandis que devant la porte de ce que je présumais être celle du cabinet de consultation, des hommes s'agglutinaient, défendaient chèrement leurs places, et, à ma grande stupeur, je constatai que les premiers n'arrêtaient pas d'ouvrir et de refermer la porte après avoir jeté un coup d'oeil. Puis, une infirmiere apparaissait et désignait les trois premiers qui s'engouffraient précipitamment. C'est pas vrai, me suis-je dit, complètement désamparé, la consultation c'est trois par trois ? Là , j'eus une furieuse envie de déguerpire !

    Cette fois-ci, mon regard se porta vers la sortie, la seule voie pour me libérer de cette atmosphère un peu lugubre. Juste à côté, la pharmacie qui se trouve sur la gauche du cabinet du docteur. Ma présence ne passait pas inaperçue, des gens m'observaient derrière la vitrine poussiéreuse et deux étagères sur lesquelles reposaient de méchantes boîtes de médicaments. Cela m'incita à rester, à relativiser mon environnement. Après tout, me dis-je, je suis entrain de faire un sacré voyage là !

    Comme pour m'encourager à patienter, une nouvelle infirmiere apparut qui, cette fois, se mêla aux souffreteux munie d'un pot rempli de thermomètres. Je ne ratais pas une miette de son manège : elle tendait l'instrument à un malade qui le mettait dans sa bouche, puis à un autre, encore à un autre, ensuite elle refaisait le chemin inverse, récupérait son bien en regardant les températures et remettait tout ça dans le même pot, avant que de recommencer avec les autres. Quand elle se présenta devant moi, je ne pensais qu'à tous ces thermomètres qu'elle avait apparamment désinfectés avec un seul et unique bout de coton. Je fis une moue dubitative et refusai de prendre ma température.

    Une enfant sortit de la pharmacie et se dirigea vers moi. Allons bon ! Quel pays ! Ils font travailler les enfants dans les hôpitaux maintenant ! En fait, c'était une jeune femme, une lliliputienne. Elle me fit signe de la suivre. Nous entrâmes dans la pharmacie et elle m'introduisit dans le cabinet du docteur à mon grand soulagement, sans qu'il me vint à l'esprit un quelconque scrupule d'être passé avant tous ces gens qui attendaient depuis bien plus longtemps que moi.

    Le docteur qui officiait assis derrière son bureau, encombré de documents et de dossiers, était une femme d'une taille remarquable tant son buste me sembla impressionnant : une vraie tour de contrôle ! En Inde, on finit à la longue par ne plus trop s'émouvoir de passer d'un extrême à l'autre, en l'occurence d'une lliliputienne à une géante. Ce qui m'intrigua surtout, ce fut son masque vert médical qui ne laissait voir que ses yeux. Cela ne l'empêchait pas de donner des ordres aux infirmières dont le va et vient incessant me donna le tournis, sans compter que la porte de l'entrée officielle s'ouvrit déja, que des patients impatients montrèrent leurs têtes, firent le constat que j'avais eu une faveur - elle s'ouvrira plusieurs fois cette porte, devant l'indifférence impériale de cette femme médecin qui laissait les infirmières s'escrimer à faire régner un semblant d'ordre.

    En attendant qu'elle consentit à s'attarder sur mon cas, mon attention fut attirée par des petites pochettes alignées sur le bord du bureau : elles étaient sommairement fabriquées avec du papier journal, elles contenaient toutes les mêmes trois sortes de médicaments, comme si tout le monde consultait pour une seule et unique infection.

    Lorsqu'elle me demanda enfin la raison de ma visite, je me sentis comme un petit garçon devant sa prestance et l'autorité naturelle qu'elle dégageait. Alors je lui racontai ma semaine dans une chambre humide du quartier des sculpteurs, les moustiques omniprésents à la nuit tombée, en particulier celui qui me laissa un souvenir bien visible et douloureux sur le dos de ma main gauche. Tout en parlant, je gardais en moi un malaise indéfinissable : ce n'était pas évident de communiquer avec quelqu'un de masqué.

    Elle s'adressa alors à une infirmière. Cette derniere lui repondit d'un ton acerbe en me regardant méchamment. Vous devez prendre votre température ! me sermonna le médecin. L'infirmière se précipita dans le local de pharmacie attenant au cabinet de consultation, revint avec son horrible pot à thermomètres et m'en tendit un d'une manière si impérative que je le pris aussitôt. Néanmoins, j'expliquai à la femme au masque vert mon souhait d'une prompte désinfection de cet objet qui ne m'inspirait pas confiance. Aussitôt...à peu près exécuté. Avant que de le mettre dans ma bouche, j'enlevai un cheveu qui trainait sur l'embout métallique - sans doute sortait-il du palais d'un patient à la diction défectueuse.
    Une minute plus tard, nous constatâmes que je n'avais pas de température - mais une grande envie de vite me rincer la bouche avec un anti-bactérien !
    Le médecin me parla du chikunguya qui sévissait en ce moment. Elle m'invita à prendre une pochette en papier, m'indiqua la fréquence de la prise des médicaments. Je vous dois combien ? Après, revenez dans deux jours, en fin d'après-midi, il y aura moins de monde. Nous ferons le point.
    Ouf ! Dehors ! Complètement déboussolé, muni de cette pochette en papier qui ne faisait pas très...crédible. Ainsi le chikunguya ça se guérit comme ça : avec des gélules et des comprimés quasiment enveloppés dans du papier journal ? Tant qu'à faire, il ne me restait plus qu'à demander l'avis de mon loueur de bicyclettes et d'incroyables mobylettes. Lui, il me raconta le calvaire de sa femme atteinte de cette maladie que l'on me supposait, elle était alitée depuis un mois sur son lit de douleur. Il ne me voyait donc pas sorti de mes peines.
    J'entamai sans plus hésiter la prescription recommandée.

    Deux jours plus tard, me revoici au "Mamallapuram Hospital". C'était en fin d'après-midi et il y avait effectivement moins de monde. J'attendis peu avant que l'on me fasse entrer dans le cabinet de consultation, cette fois-ci sans passer par le local de pharmacie, . J'eus une pointe de déception : elle portait encore son masque vert ! Je ne verrais donc jamais le visage de cette femme ? Elle me demanda comment je me sentais. Je convins que les médicaments s'avéraient efficaces, mais que, bon, ça pourrait être mieux. Elle me remit une nouvelle pochette avec les mêmes médicaments pour les deux jours à venir, à la suite de quoi je devais me représenter devant elle. Je vous dois combien? Après, après...
    Je la trouvais vraiment bien, cette femme docteur.

    A ma dernière visite, un grand calme régnait dans le "Mamallapuram Hospital". Je m'asseyai tranquillement. Comme je ne resentais plus aucune douleur, je me mis à douter du diagnostic : guérir du chikunguya en quatre jours, alors que tous les reportages que j'avais vus ou lus stipulaient bien que cette maladie handicapait les gens pendant de longues semaines, non, non, pas possible ça ! J'avais vraiment toutes les raisons de douter.

    En entrant dans le cabinet du docteur, j'eus une bonne surprise : cette femme qui m'intriguait tant ne portait plus son masque. La blancheur de son visage soulignait un peu trop son rouge à lèvres. Elle me reçut debout, et j'arrivais à peine à la hauteur de ses larges épaules ; elle était vraiment royale dans son sari vert eau. Une infirmière lui remit un papier qu'elle déposa sur son bureau. Alors, comment allez-vous ? Je n'avais qu'une seule idée en tête : me sortir vite de cette histoire. Je lui annonçai aussitôt ma complète guérison. Elle accueillit mes propos avec un sourire satisfait et décontracté. Je ne pus m'empêcher de lui poser cette question qui me turlipinait depuis quelques jours :
    - Vous recevez combien de gens par jour ?
    - Environ deux cents, plus ou moins...
    - Deux cents ?
    Je lui fis répéter son chiffre. J'avais du mal à la croire !
    - En ce moment, nous luttons contre une recrudescence du chikunguya dans la région. Il y a beaucoup, beaucoup de travail. J'espère que ça va se calmer.
    - C'est ce que je vous souhaite. Je vous dois combien ?
    Bien sûr, je n'imaginai pas l'entendre me dire encore après, après, mais sa réponse inattendue me laissa interdit :
    - Comme vous voudrez !
    Je m'étais renseigné, on m'avait certifié que les gens payaient 25 roupies - une somme pour un Indien ! J'étais guéri, je n'avais nulle envie de me replonger dans l'ambiance lugubre de la salle d'attente du matin, et je déposai deux cents roupies sur son bureau. Le docteur eut un large sourire - zut, j'ai trop donné, bon, qu'elle se prenne un billet dans sa poche, pensai-je, après tout elle m'a guéri !

    Dehors, je ne m'étais jamais senti aussi bien, aussi libre à Mamallapuram. Les semaines passèrent et vint l'heure de rentrer en France. La veille de mon départ, j'assistai à cette fête grandiose qui vit toute la population de Mamallapuram se baigner dans l'océan : les vieux, les jeunes, les hommes, les femmes. Et tous, dans la joie, la bonne humeur. Un merveilleux souvenir !

    Au cours d'une visite à mon médecin particulier, je ne manquai pas de lui parler de ce qui m'était arrivé en Inde. Il me proposa une analyse de sang pour vérifier si j'avais vraiment eu le chikunguya - il n'y croyait pas, tout comme moi. Quarante huit heures plus tard, j'ouvris fébrilement l'enveloppe du laboratoire, dépliai la feuille de papier, mort de curiosité, et je lus... que les anti-corps du chikunguya étaient dans mon sang ! Ce fut une vraie surprise. J'eus alors une pensée pour Vimaya. J'avais bien fait d'écouter son conseil et de me rendre sans tarder au "Mamallapuram Hospital".

    Geob


    Dernière édition par Dolma le Jeu 7 Jan - 10:14, édité 1 fois
    geob
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    Message par geob Mer 6 Jan - 16:24

    Je vous remercie de votre collaboration, mademoiselle Dolma Mamallapuram Hospital 94669
    Dolma
    Dolma


    Localisation : Je m'balade sur les chemins...

    Mamallapuram Hospital Empty Re: Mamallapuram Hospital

    Message par Dolma Mer 6 Jan - 16:27

    You'r welcom mister Geob, je suis ravie de vous être utile sourire

    Dolma
    Anonymous
    Invité
    Invité


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    Message par Invité Mer 6 Jan - 18:51

    Haaaa, je ne résiste pas à répondre à pareil message.

    Ta description est si juste.

    J’ai bossé dans le coin longtemps et notre équipe voyait 120 personnes entre 8 h et 13 h.

    Les gens en revanche étaient fort disciplinés. Un long banc pour les hommes et un autre lui faisant face pour les femmes et les enfants.



    Le bocal à thermomètres m’a fait bien rire. La désinfection est sommaire mais elle existe un tant soit peu puisque la brassée de thermomètres trempent sur un coton imbibé d’alcool modifié.

    Nous n’avions que cinq seringues en verre et dix aiguilles et après chaque injection, tout trempait aussi dans une solution blanche décontaminante. On changeait les aiguilles après de multiples usages et quand on percevait un crissement sur la peau nous signalant qu’elles étaient décidément trop usées, on prenait une neuve. Je n’ai jamais vu un seul abcès dû aux injections, comme quoi !



    Nous avions comme toi des sachets en papier que nous fabriquions nous-mêmes en un subtil pliage après les consultations. La batterie de médicaments était aussi très limitée : trois. Un antalgique, un antibiotique, une vitamine.



    Je pourrais raconter des heures..



    Bref, tu vois, malgré la modestie du matériel, le boulot était impeccable et quand après une telle expérience, tu rentres en France, c’est quasi insupportable de voir la pléthore de produits, le gâchis du matos, et le fameux principe de précaution.



    En prime t’as été bien soigné, et raconter comme tu le fait est saisissant de réalisme.



    Bye.



    Dom.
    avatar
    lahaut


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    Message par lahaut Mer 6 Jan - 19:06

    Cela ne donne pas envie d'être malade en Inde Mamallapuram Hospital 168631 et ni d'aller à l'hôpital pour se faire soigner !!(je pense que j'aurai été directement chez un docteur recommandé par mon assurance rapatriement quitte à payer plus cher) mais bon ....cela s'est bien terminé pour toi !!

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