Le Village du Peuple Etrange Voyageur

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    Debriefing II

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    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par Solcha Lun 18 Déc - 20:12

    Quelle photo magnifique que celle de ta soeur, Geob!
    Tu vois, aujourd'hui encore, ta maman ne cesse de l'admirer avec fierté, ça se sent d'ici...



    _________________
    ¡ Pura vida !
    Lilie
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    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par Lilie Lun 18 Déc - 20:48

    Il est des douleurs qui ne se parlent pas. Et des amours qui sont éternels.

    Lilie
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    Localisation : Sainte Enimie Lozère

    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par fabizan Lun 18 Déc - 22:40

    C'est très émouvant Geob cette histoire de ta famille que tu partages avec nous et cette très jolie photo transpire l'amour et la fierté d'une maman sourire

    Faut quand même le reconnaître : t'étais bien croquignolet petit clin d'oeil


    _________________
    Fabienne
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    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par geob Ven 5 Jan - 4:29

    L'enfant d'un crime contre l'humanité


       

    III 

                                                             
                                                   

    12 mai 1976



    Le 12 mai 1976 se déroula la finale de la coupe d'Europe des clubs entre St Étienne et le Bayern de Munich. Je me souviendrais toujours de cette date parce que j'étais à Gabès, en Tunisie. Je logeai à l'auberge de jeunesse. En fin d'après-midi, nous vîmes arriver deux allemands avec un van transformé en camping-car sommaire. L'embonpoint de ces messieurs prouvait bien qu'ils travaillaient dans l'univers de la bière, en Bavière. D'emblée, nous décidâmes qu'ils incarnaient la caricature de l'allemand ventripotent, abreuvé de bière, et nous supposions même qu'ils ne voyageaient pas sans leurs saucisses ou autre charcuterie...  bref, on déconnait.

    La plupart des clients de l'auberge étaient français, sauf les deux allemands qui venaient d'arriver, et un japonais vraiment original qui voyageait avec pour tout bagage un couffin , un costume noir sans cravate sur sa chemise blanche, et un chapeau de paille aux larges rebords ; il détonnait, fascinait, il écrivait tous les soirs son journal sur un grand cahier à la couverture rigide, sa calligraphie soigneuse couvrait les pages blanches de signes pour nous mystérieux ; il avait l'air d'un homme se souciant pas des contingences quotidiennes mais toujours impeccable dans sa tenue et ses manières courtoises, discrètes.

    Le soir, nous nous rendîmes dans un bar qui diffusait la finale télévisée de ce match. Tous les tunisiens supportaient St Étienne, nous étions donc tous contre les deux allemands, et on allait voir ce qu'on allait voir ! La suite est  bien connue : nous avons perdu et tout ça c'était la faute des poteaux de la cage des buts car, à l'époque, ils avaient l'outrecuidance d'être carrés au lieu d'être ronds comme aujourd'hui. Quel drame ! Pas tant que ça, en fait, puisque le lendemain l'équipe de St Étienne défilait triomphalement sur les Champs Élysées. En Allemagne, ils ont bien dû rigoler de ce triomphe vaniteux qui n'avait pas lieu d'être.

    En France, c'était Honneur aux Vaincus !

    Les deux allemands avaient sincèrement l'air désolé pour nous, ils nous indiquaient qu’intrinsèquement St Étienne avait fait jeu égal avec le Bayern. Oui, mais bon, je me souviens que l'on disait à propos du football : c'est un jeu de ballon qui se joue à onze et la fin c'est toujours l'Allemagne qui gagne.

    La soirée à l'auberge de jeunesse fut extraordinaire, épique, grâce aux deux allemands qui sortirent de leur van Volkswagen un carton de canettes de bières et l'introduisirent discrètement dans notre dortoir. Il en résulta une ambiance délirante ; nous trinquâmes avec nos deux compères qui finirent par nous amener un deuxième carton. Bon sang ! Heureusement que nous avions perdu, nous n'aurions pas eu la classe de ces braves employés d'une brasserie bavaroise.

    Le lendemain matin, le directeur de l'auberge de jeunesse découvrit toutes les canettes qui jonchaient le sol. Il nous voua aux gémonies, nous promit l'enfer, nous traita de dépravés. Quant à moi, muni d'un plan que m'avait dessiné mon père, je découvris la maison où j'étais né. Évidemment, elle était habitée. J'interpellai une femme derrière la clôture en ciment. Elle comprit très vite pourquoi je voulais visiter sa maison, elle m'ouvrit gentiment la porte du jardin, peut être était-elle un peu émue. Elle me précéda pour me conduire vers sa demeure. je reconnus tout suite le perron carrelé grâce au souvenir d'une photographie où l'on me voit, âgé de quelques mois, sur une chaise de bébé, la serviette autour du cou. A l'intérieur, tout me parut petit, alors que je l'imaginais immense. Mais oui, ma mémoire a imprimé la vision d'un enfant, au ras du sol, qui n'avait pas le même angle de vue que celui d'un adulte.
                 
                                                   ................


    Le temps des colonies.



    Qui peut nier aujourd'hui que nous avons pillé l'Afrique? Cela nous ne dédouane pas de dire qu'il n'y avait pas que nous mais enfin, quoi, que veux-ton? Réécrire l'histoire? Dans ce cas là, les protestants seraient en droit de demander des dommages et intérêts à l'état français pour les massacres de la St Barthélémy ! En Inde, les anglais ont réveillé "la belle endormie", une immense civilisation qui était sortie de l'Histoire. Ce n'est pas moi qui le dit, ceux qui ont œuvré pour l'indépendance de l'Inde le reconnaissent, Nehru en premier.

    Avant d'arriver à Gabès, je m'étais arrêté à Sousse. Un soir, j'avais trouvé un bar ouvert, deux ou trois tables et chaises sur le trottoir. La rue était mal éclairée, des ampoules jaunes diffusaient une lumière atone. L'éclairage du café, beaucoup plus efficace, proposait aux rares consommateurs une vision plus confortable, tandis que l'univers de la rue semblait être un monde à part, glauque. A côté de moi, à une autre table, un vieux tunisien m'interpella. Vous êtes français? Je lui racontai pourquoi je voyageais en Tunisie. A la fin, il prononça ces paroles, que je restitue à peu près :
    - Ah monsieur ! Vous n'avez pas connu l'époque où il y avait les francais ! Regardez, il est dix heures du soir, il fait chaud, et il n'y a personne dehors, la rue, voyez la rue dans quel était elle se trouve, mal goudronnée, bientôt une voie de terre, éclairage minimal. Ah monsieur ! A l'époque des francais, il y avait du monde dans la rue, elle était propre, l'éclairage était normal, on voyait hommes et femmes ensemble, aujourd'hui les femmes sont confinées derrière les murs de leurs maisons... ah elle est belle notre indépendance !

    Ouh là ! Un tunisien nostalgique d'un crime contre l'humanité !




    Maadadayo !
    geob
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    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par geob Mar 16 Jan - 4:25



    74


    Tout de même, ces coïncidences ne laissent pas de me surprendre.

    Lorsque je suis arrivé le 3 novembre chez Chian House je m'attendais à trouver la thaïlandaise qui gérait depuis un an la guest house avec son mari français. Ambiance de fin de saison : elle faisait ses cartons, la cuisine était fermée, et il y avait comme une indolence communicative tant les gestes et les déplacements de l'entourage familiale de la thaïlandaise semblaient se faire au ralenti, avec une lenteur maitrisée. La désormais ancienne gérante m'expliqua qu'elle n'arrivait plus à payer les 50 000 baths de location exigé par monsieur et madame Chian, alors ces derniers reprenaient l'affaire dès aujourd'hui. Non? Incroyable mais vrai, je réussis à ne pas montrer que cette nouvelle me réjouissait. Ainsi, je m'étais absenté de la guest house une année durant, les Chian de même, et nous revenions tous à la case départ, le même jour. Et ce jour là, dans cette atmosphère de changement de direction, je ne fis pas attention s'il y avait le registre sur lequel les voyageurs s'inscrivent, en indiquant le numéro de leur passeport, et autres renseignements. Du coup, je ne me suis pas inscrit, et j'ai eu la flemme d'y remédier, donc me voici l'inconnu de Chian House, juste une ombre, une rumeur.

    Au bout de quelques jours, je me rendis compte de l'absence de l'australien qui vivait à l'année dans la guest house. Oui, ce vieux monsieur bouffi, toujours en salopette, quelquefois avec un chapeau de cuir sur le crâne, incliné sur les sourcils, et dont l'exercice quotidien consistait à parcourir, pas après pas, la distance de vingt mètres qui séparait sa chambre du restaurant. Je me souviens, je me souviendrais encore et encore de cette matinée où Karine, excédée par ses propos de béotien à mon encontre, le moucha vertement et le laissa pantois. Ah Karine ! J'espère que tu vas bien, je ne t'ai pas vu cet hiver... à mon grand désappointement !

    Le vieil australien est revenu, il y a environ deux mois. Il était parti se faire soigner en Australie, et nous l'avons revu... méconnaissable, vingt kilos en moins, le visage émacié et la diction hasardeuse. Cette fois-ci, il marchait péniblement avec un déambulateur, s'asseyait sur la première chaise qui se trouvait sur son chemin. Une vision qui me déprimait tous les matins car je voyais en lui ce message qu'il nous adressait : je suis votre avenir !

    Dimanche 14 janvier, nous avons appris sa mort à l'hôpital de Chiang Rai. Madame et monsieur Chian perdent un client qui apportait beaucoup d'argent, nous autres, nous ne verront plus cet homme qui nous tendait le miroir de notre futur, et pour beaucoup il y a de l'indifférence, certains soupirent d'aise, moi je reste aussi totalement étranger à cette nouvelle, je ne me sens pas concerné. Seulement, ce lundi matin 15 janvier, madame Chian m'a dit qu'il avait 74 ans. 74 ans !? Pas possible ! IL faisait si vieux ! On lui aurait donné 10 de plus ! Mais c'est le chiffre en lui même qui m'a ébranlé. 74, bon sang, 74 ! Ce chiffre me poursuit. Ma sœur aînée est morte à 74 ans, devant moi. Elle, on lui aurait donné une dizaine d'années en moins. A l'hôpital de Chiang Raï, ils ont essayé de réanimer le vieil australien, à Paris ils ont fait de même avec ma sœur. En vain, et c'est tant mieux. Survivre pour vivre dans un état de légume avarié, l'horreur. Il est préférable d'être délivré de la vie...

    ...La vie vaut la peine d'être vécu, debout.


    " Je n'espère rien
    Je ne crains rien
    Je suis libre"

    Nikos Kazantzakis
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    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par geob Sam 27 Jan - 18:21

    Le vœu de Saupa




    Chaque année, toujours à cette même période, je vois Saupa souffrir de ses allergies, je vois sa joue gauche un peu enflée, les petites boursouflures sur le dessus de ses doigts, et je vois surtout cette tristesse, cette ombre qui assombrit son regard comme si elle portait tous les stigmates de ce monde infâme dans lequel nous vivons. Pourtant, son monde à elle, ce magnifique espace au bord de la rivière où elle vit et travaille, elle ne voudra jamais le quitter. Lorsque nous sommes de passage, nous l'envions mais si nous considérons le manque de confort et d'hygiène dus aux infrastructures, au climat, cette fatigue qui semble ne jamais l'épargner, alors, oui, nous préférons vivre dans nos villes où nous trouvons tous les docteurs, hôpitaux, pharmacies que nous désirons, et aussi notre Sécurité Sociale toujours à nos côtés malgré les surcouts, les gaspillages. En Thaïlande, Saupa peut se faire soigner gratuitement dans les hôpitaux publics à partir du moment où... elle n'a rien de grave, rien de trop compliqué, rien qui nécessite des analyses pointues et une hospitalisation dans des services spécialisés.

    En arrivant chez Saupa, le dimanche 21 janvier, j'ai tout de suite vu sur son visage qu'elle ne se sentait pas bien. Comme absente, déjà dans un noir ailleurs, elle nous a désigné l'endroit où elle met dorénavant les serviettes de toilettes, accrochées sur un poteau exposé au soleil. Je lui ai demandé la raison de son état, et de nouveau elle m'a montré ses  marques récurrentes, évoqué aussi sa souffrance. Elle semblait abattue, démoralisée... je ne l'avais jamais vu ainsi !

    Lorsque nous sommes revenus des bains, elle nous a apportés les plats que nous avions commandé. Vers la fin du déjeuner, elle nous offre toujours des fruits coupés en morceaux, posés sur un plat ou une assiette toujours recouvert d'une feuille de bananier. Ce  jour là, elle est restée avec nous. Elle avait envi de parler, de se confier. Et ce qu'elle nous a dit nous a profondément ému, laissé pantois. Le blues de Saupa était déchirant. Fallait-t-il qu'elle fût à ce point moralement abattue pour nous parler de la mort, de sa propre mort? Mais ce n'est pas pour s'apitoyer sur soi-même, c'est surtout pour le respect des morts, pour qu'ils continent de vivre dans le souvenir des vivants. Ainsi, elle nous a demandés d'honorer sa mémoire chaque année si elle venait à mourir, d'aller au temple, faire un "tamboun", c'est à dire faire des offrandes, des bonnes actions pour son âme. Bien entendu, elle le ferait de même si l'un d'entre nous partait avant elle. Oh bon dieu Saupa, nous sommes des étrangers, des touristes ! Mais comment tu nous parles, comment tu nous perçois? Avec toi, nous ne sommes plus des passants, des anonymes, tu nous fais changer de registre, nous redevenons des êtres humains qui ont la chance de connaitre un être humain au cœur énorme, une femme généreuse et troublante de sincérité. Elle s'est adressée à moi en particulier pour me dire que je venais la voir depuis des années, et des années encore espère-t-elle, ne serait-ce que pour je pense à elle si elle n'était plus, comme elle le ferait pour moi si je disparaissais.

    Décidément, Saupa est une thaïlandaise culturellement hors-normes : en Thaïlande, on ne doit jamais montrer ses émotions en public, et sans doute aussi dans un cercle familial ou privé, tant l'image de soi que l'on donne à voir et surtout ne pas perdre la face sont prégnants dans cette société.

    Alors, encore plus, continuer de vivre dans la mémoire de Saupa, voici une éventualité qui n'est pas pour me déplaire.
    geob
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    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par geob Ven 20 Avr - 11:27

    Humeurs et nouveautés pour mon retour


    Le retour commence déjà sur le vol Chiang Raï/Bangkok car, dès l'atterrissage sur l'aéroport de la capitale, les thaïlandais si calmes au départ, si soucieux de se montrer polis et respectueux, semblent soudain atteint par une excitation incongrue qui les font ressembler à n'importe quel occidental toujours stressé : à peine l'avion arrêté, ils se lèvent brusquement, ouvrent rapidement les coffres à bagages, empoignent nerveusement leurs valises, leurs sacs, et ils se plantent enfin dans le couloir alors que le tunnel mobile de débarquement n'est pas encore installé. A croire que les grandes villes du monde perturbent le système nerveux de leurs habitants, et le mien aussi puisque je ne suis pas le dernier à vouloir dégager d'un avion. Ainsi à l'aéroport de Roissy. Seulement dans Roissy les sorties sont parfois signalées discrètement. Pas eu trop de problèmes pour trouver le contrôle des passeports, mais pour atteindre le lieu de récupération des bagages, là, ça se complique vu le minimalisme de la signalisation ;  tout à coup, je me suis demandé si j'étais dans la bonne direction et j'ai dû rebrousser chemin. Par où passer bon sang ! J'ai fini par suivre une touriste asiatique aussi paumée que moi. Elle s'est adressée à deux bagagistes qui l'ont mis sur le bon chemin, et moi aussi par conséquent. N'empêche, j'ai mis une heure pour récupérer ma valise. C'est la dernière fois que je prends un vol sur un A 380 ! Trop de monde ! Donc, trop de bagages sur le tapis roulant... bon, il est vrai que Roissy n'a pas une très bonne réputation !


    L'oeil écoute.


    C'était le nom d'une librairie sur le boulevard Montparnasse. Lorsque je suis parti début novembre, elle existait encore. Désormais, il y a un marchand de chaussures et autres accessoires à la place. Dommage pour mes dimanches passés à feuilleter des livres, et parfois les acheter. Non loin de là, rue de Rennes, la F.N.A.C ouvre dorénavant ses portes le dimanche, comme les supermarchés dans mon quartier... ça tombe bien ! depuis que la F.N.A.C s'est unie avec Darty, elle est devenue un supermarché de la culture et des ustensiles de cuisine, et autres produits pour la maison mais dotés d'un design et surtout d'un prix qui rebutent le client de Darty, pas très vintage. Pas la peine d'épiloguer, c'est dans l'ordre des choses : le livre est considéré comme un objet de consommation au même niveau qu'un aspirateur. Pour garder ses portes ouvertes, "L’œil écoute" aurait dû vendre du fromage biologique et des vêtements "éthiquables" , histoire de conserver son originalité tout en se diversifiant.
    Se diversifier ou mourir, telle est la morale de cette fermeture.

    Vélos en libre-service.


    Profitant des problèmes de Vélib, de nouveaux vélos sont apparus sur les trottoirs de Paris, en libre service. Surprise pour moi, je me suis demandé d'où ça sortait ! J'ai picoré quelques informations sur internet, et j'apprends que les vélos "mobibyke", au design épuré, sont les créations d'une start-up de Singapour !  On les a déjà vus à Vancouver en 2016 ! Pour les utiliser, il faut un smartphone, eh oui ! Bientôt il faudra en avoir un pour entrer dans une sanisette ! Bonjour les dégâts pour ceux en état d'urgence  qui n'en sont pas pourvus ! Tôt ou tard, je devrais rentrer dans le rang, faire comme tout le monde, m'offrir cet appareil pour être connecté et tracé par "Big Brother". On tend vers la disparition de la monnaie liquide, le paiement se fait de plus en par contact, en utilisant une carte de crédit ou le téléphone. Sur ce plan là nous somme s bien en retard vis à vis de la Thaïlande !  Si l'on considère l'évaluation de la richesse mondiale, si on la chiffre, la monnaie liquide en circulation ne représente que 10% de son total, et le reste est basé sur le virtuel et... ça fait peur, la... confiance ! Il suffira d'un claquement de doigts pour que le bon peuple se voit ruiné ! C'est donc dans l'ordre des choses... la disparition des billets de banque et des pièces de monnaies.

    Le Paradis


    C'était un restaurant, rue du Maine, avec un menu à 10€.

    Debriefing II - Page 4 P1000510

    Oh bien sûr, ce n'était pas de la grande cuisine, plutôt familiale qu'étoilée. Avant que je ne parte, "Le Paradis" avait fermé ses portes, baissé pavillon devant la médiocre modernité qui consiste à supprimer tous les lieux conviviaux, pas chers. De nombreux restaurants se trouvent dans la rue du Maine, cosmopolites et en fin de compte banals : ils se ressemblent tous !

    A la place du restaurant, il y a un cabinet d'orthodontie, ce qui rend ce lieu toujours original dans cet environnement plutôt festif. Comme il y a tellement de complexés qui veulent un sourire le plus parfait possible, l'orthodontie de confort peut donc prospérer, comme elle prospère en Thaïlande où l'on voit d'innombrables filles et jeunes femmes arborer un sourire métallique effrayant, et tout celà pour être belles... plus tard, si les dents et les gencives ont tenu le coup.


    Maadadayo !
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    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par Wapiti Ven 20 Avr - 11:54

    ...de nouveaux vélos sont apparus sur les trottoirs de Paris, en libre service. (...) Pour les utiliser, il faut un smartphone, eh oui ! Bientôt il faudra en avoir un pour entrer dans une sanisette ! Bonjour les dégâts pour ceux en état d'urgence  qui n'en sont pas pourvus ! Tôt ou tard, je devrais rentrer dans le rang, faire comme tout le monde, m'offrir cet appareil pour être connecté et tracé par "Big Brother".
    Même constat pour le parcmètre et autres petits besoins que je ne pourrai bientôt plus assurer avec mon bon vieux téléphone à touches et sans connexion... neutre
    Je passe vraiment pour une (très) vieille auprès de mes élèves. gag !

    On tend vers la disparition de la monnaie liquide, le paiement se fait de plus en par contact, en utilisant une carte de crédit ou le téléphone.
    C'est plutôt "sans contact" clin d'oeil
    Je ne l'ai pas encore non plus, mais je ne vois pas cela forcément d'un mauvais oeil.

    ... la monnaie liquide en circulation ne représente que 10% de son total, et le reste est basé sur le virtuel et... ça fait peur, la... confiance ! Il suffira d'un claquement de doigts pour que le bon peuple se voit ruiné !
    Et tous les autres acteurs économiques, y compris les États, avec ! Bref, la fin du monde... économique tel que construit actuellement.
    Vivement le retour du bon vieux troc ! Il n'y a que cela de valable ! Go!Go!Go!
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    "Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
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    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par Lilie Ven 20 Avr - 17:56

    Wapiti a écrit:
    ... la monnaie liquide en circulation ne représente que 10% de son total, et le reste est basé sur le virtuel et... ça fait peur, la... confiance ! Il suffira d'un claquement de doigts pour que le bon peuple se voit ruiné !
    Et tous les autres acteurs économiques, y compris les États, avec ! Bref, la fin du monde... économique tel que construit actuellement.
    Vivement le retour du bon vieux troc ! Il n'y a que cela de valable ! Go!Go!Go!
    langue
    Ca me fait penser à un cours d'économie dispensé par la bien nommée Mme Vilaine (je vous en avais déjà parlé), qui en début de cours nous avait demandé sur quoi était basée l'économie. On avait cherché, tenté, lancé des suggestions, toutes reçues par la négative par Prof, qui au bout de 5 minutes, exaspérée, avec exulté d'un :

    - MAIS SUR LA CONFIANCE, ENFIN !!!!!

    Ah.

    Lilie
    geob
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    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par geob Jeu 24 Mai - 10:50

    La mémoire de Saupa.

                                        1
                                 

     La photo.



    Les romans policiers scandinaves sont à la mode, cela ne veut pas dire qu'ils sont tous intéressants. Ainsi celui de Emelie Schepp, "Sommeil blanc", m'a agacé, ennuyé par sa structure narrative un peu trop cinématographique à mon gout, mais ouvrir un livre n'est jamais une opération vaine car on finit toujours par apprendre quelque chose, et trouver aussi une information à laquelle on n'avait jamais pensée. Je ne vais pas m'appesantir sur l'histoire de "sommeil blanc", néanmoins deux personnages ont éveillé mon intérêt : deux pauvres jeunes filles thaïlandaises deviennent des "mules" pour des trafiquants de drogues, c'est à dire qu'elles vont mettre leur vie en danger en avalant des capsules bourrées de cocaïne, ensuite prendre l'avion à Bangkok pour Copenhague. La pauvreté, la misère, un avenir horrible les poussent à s'affranchir de la morale et à se risquer dans une histoire dont elles ignorent la probable finalité tragique. L'une d'entre se soucie de l'état de sa mère, accablée par la dengue. Elle décrit les taches qui apparaissent sur sa peau, certaines bleutées, sa fatigue épouvantable qui l'empêche de se mouvoir. Ces derniers temps, on a beaucoup parlé de la dengue en... France ! Une quarantaine de départements seraient touchés ! Réchauffement de la planète, mondialisation heureuse avec ses innombrables liaisons aériennes, tout cela nous invite, sans demander notre avis, à partager ce fléau, ainsi que beaucoup d’autres autrefois réservés aux pays écrasés par un soleil implacable, mais si lointains et si pauvres que nous les prenions juste comme des destinations exotiques, excitantes parce que relativement dangereuses pour notre petite santé d'occidental pourvu de toutes les vaccinations possibles, mais avec un estomac bien fragile - ah l la turista !


    Ainsi les marques sur la peau de Saupa, ses périodes où son visage arbore une boursouflure sur sa pommette, comme si elle avait reçu un coup de poing, ses taches bleutées derrière ses biceps qui lui font mal pendant quelques jours, m'interpellent aujourd'hui et me fournissent peut être une explication sur cette fatigue qui la submerge parfois : est-elle victime de la dengue, cette maladie similaire à la malaria, toute aussi redoutable et dangereuse si elle n'est pas prise en compte avec célérité.

    Les mauvais jours, sa fatigue m'attristait, j'étais désolé de la voir le teint cireux, les paupières lourdes sur ses yeux éteints, mais il me semblait qu'elle luttait malgré tout contre une grande envie de se laisser aller, de ne plus combattre. Cela ne l'empêchait pas de m'accueillir avec bonté ; lorsqu'elle ne venait pas à ma rencontre, elle m'indiquait l'endroit où elle rangeait les serviettes de toilette propres, comme ce jour où elle peina à se lever du banc d'une des tables du restaurant,  où elle se reposait parfois de longues après-midi ennuyeuses. Lorsque je suis revenu des bains, elle était allongée sur le banc. Sur la table voisine, il y avait une assiette recouverte d'une feuille de bananier. Je savais ce qu'elle m'avait préparé, elle savait ce que j'apprécie.

    Je me suis attablé, et j'ai soulevé la feuille de bananier. Tiens, me suis-je dit, elle a oublié de mettre un quart de citron vert, tant pis, je peux m'en passer, je ne vais pas la déranger. A peine ces réflexions m'avaient-elles effleuré,  Saupa s'est dressée tout à coup sur son séant pour dire aussitôt : "j'ai oublié le citron !" C'est là que je me suis demandé si Saupa n'était pas une chamane, une sorcière. Non, non, c'est bon, pas la peine ! ai-je dit, mais elle s'est levée, elle s'est rendue dans la cuisine, et elle est revenue pour me remettre un demi citron vert, ensuite elle s'est recouchée sur le banc, en se recouvrant d'une couverture alors qu'il faisait tout de même vingt cinq degrés.

    Sous le banc où Saupa se reposait, il y avait son chien au poil hirsute et noir qui lui a coûté si cher en frais médicaux. Et puis, il y a eu la visite d'un de ses chats. Lui, il a grimpé sur le banc et il s'est avancé sur... Saupa, avec une délicatesse inouïe, pattes de velours, précautionneux et léger comme une plume pour ne pas perturber le repos de sa maîtresse. On aurait dit un équilibriste sur un fil imaginaire tant sa progression semblait réfléchie, calculée. Il s'est arrêté sur le ventre de Saupa, il s'est assis confortablement, et il n'a plus remué le moindre poil, tel un petit sphinx en sentinelle qui s'assurait de la tranquillité de sa maitresse.

    J'avais sous les yeux ce spectacle étonnant : le chat dessus Saupa et sous elle, sous le banc, son horrible chien crasseux. La déesse protectrice de la gente animale, se reposant encadré par ses protégés ! Je me suis dit que c'était une photo à faire parce que je me suis souvenu d'une photo similaire - sans les animaux - que m'avait montré un ami : il l'avait photographiée alors qu'elle se reposait, couchée sur le côté. Ah il en était très content ! Fier même ! Pour ma part, je n'ai pas pu. Je trouvais cette scène magnifique, émouvante par cette communion indicible entre Saupa et ses compagnons à quatre pattes, et puis, disons le tout net, cela me paraissait si intime et la preuve d'une telle confiance en moi, que j'aurais eu le sentiment de commettre une trahison si je l'avais prise....

    Debriefing II - Page 4 P1020434
    (c'est sur les bancs de cette longue table qui coupe en deux l'espace, que Saupa se repose)

    Maadadayo !
    geob
    geob


    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par geob Dim 24 Juin - 10:34


    La photo

    (suite)

    Au fond, l'altérité est une gageure improbable qui nous tend la main, nous craignons cependant de la saisir parce qu'elle pourrait déranger la routine de notre confort, interroger nos préjugés, alimenter nos appréhensions, nos peurs ; nous pouvons aussi ignorer cette main tendue et faire sienne cette formule "l'enfer, c'est les autres", et sombrer dans une misanthropie assumée ou pas. L'autre est un mystère dont nous essayons de percer le secret par manque de sagesse, oui, par manque de sagesse car l'idéal serait de l'accepter tel qu'il est, et ça c'est difficile pour notre ego qui nous impose sa volonté toute puissante, son besoin de satisfaction, de gratification,  comme un enfant gâté toujours en demande, jamais en offrande. Heureusement la plupart des gens arrivent à vivre avec l'autre, cela s'appelle vivre en société, et vivre en société nécessite une hypocrisie bien tempérée, des mensonges bien tournés, une dissimulation de ses frustrations, de ses rancoeurs, de ses envies les plus inavouées, en somme tout ce qui permet de restreindre les possibilités des rapports conflictuels dans une société que l'on souhaite apaisée - étouffer son envie de mettre le feu aux poudres ! Pourtant nous pouvons accepter  l'autre tel qu'il est sans tous ces paramètres que je viens d'énumérer : il suffit pour cela ne rien attendre de l'autre, et que l'autre n'attende rien de vous, il en résulte alors une liberté d'esprit, une abscence de calculs ou d'arrières pensées qui rendra votre relation plus sereine et plus remarquable.

    Ainsi il en va de ma relation amicale avec Saupa. Mais elle me surprendra toujours, pas toujours d'une manière positive, je dois donc l'accepter si je veux être cohérent avec ce que j'ai écris plus haut. Un jour, je ne sais plus pourquoi, elle a évoqué cet ami qui l'avait prise en prise en photo. Tout d'abord elle a parlé de son besoin irrépressible de fumer, de boire. Elle trouvait que cela n'était pas bien pour lui, pour sa santé. Et puis tout à coup, elle s'est mise à parler avec une pointe de colère :
    - Il y a deux ans, il m'a photographié sur le banc alors que je n'étais pas bien, très fatigué. Fallait pas faire ça, ça ne m'a pas plus, c'est pas respectueux !

    Stupeur ! C'était comme si j'avais reçu un verre d'eau dans la figure ! Oh le malaise ! Saupa n'est jamais ce que l'on croit, elle étonne toujours. Ainsi elle est capable de rancune, me suis-je dis, elle ressasse une histoire vieille de deux ans, quelque chose qu'elle n'a pas gobé, qui lui est resté en travers de la gorge.

    J'avoue : ce jour là, mon empathie pour Saupa s'est refroidie quelque peu ; mais où était donc passé cette culture bouddhiste qui prône ce "may pen raï", ce "ce n'est pas grave", qui enseigne aussi cette impermanence des choses qui rend vain de s'attarder sur ce qui n'a plus de consistance puisque c'est passé? Décidément, cette thaïlandaise ne ressemble à aucune autre,  elle me le prouvera une nouvelle fois en proclamant, en d'émouvantes circonstances,  qu'il ne faut pas faire d'enfants parce qu'ils finissent toujours par vous trahir, vous rejeter - alors qu'elle a une fille dont elle m'a dit le plus grand bien quelques semaines auparavant. Lorsqu'on sait que l’éducation dans ce pays consiste à formater les enfants dans une acceptation de leur état social, dans le respect de l'autorité sous toutes ses formes, et surtout de ne pas se distinguer les uns des autres, par ses propos stupéfiants Saupa se distingue pourtant de toutes ces femmes thaïlandaises toujours en pâmoison devant les bébés, les enfants en bas âge, même s'ils sont étrangers. Elle n'a pas eu besoin de lire "L'amour en plus" de Elisabeth Badinter, un livre qui ne sera jamais traduit en thaï,  pour comprendre que l'instinct maternel est un concept inventé par les hommes afin de contenir la femme dans son foyer...
    geob
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    Message par geob Sam 28 Juil - 10:49

    La mémoire de Saupa


                                                         

     2



    Phisao (sœur aînée)




    -Parle moi de ta soeur aînée, tu m'as dis qu'elle était morte.

    C'était le premier des trois jours consécutifs qui me restaient pour rendre visite à Saupa, et j'avais pris mon antépelnutième bain aux sources d'eau chaude trois heures auparavant. Je la regardai assise en face de moi, de l'aure côé de la longue table qui coupait l'espace de son restaurant. Oui, je l'avais informée du décès de ma sœur aînée, mais ce fut début novembre et nous étions fin mars, pourquoi donc voulait-elle que je revienne sur cet événement dramatique, dramatique puisqu'il  n'était pas naturel, serein comme pour une personne qui s'endort définitivement, au bout d'une vieillesse bien vécue, après une vie bien remplie? Peut être voulait-elle me retenir pour me parler, elle savait qu'il me restait deux jours, et ensuite nous nous reverrions plus pendant six mois, ou jamais. Alors j'ai évoqué phisao pom (ma sœur aînée), crucifiée par des perfusions permanentes sur son lit d’hôpital, durant trois semaines, en raison d'un cœur trop gros, trop fatigué, trop usé. Puis ce samedi d'un mois d’août abhorré où tandis que j'entrais dans sa chambre, elle fit sa dernière crise cardiaque : son buste se dressa brusquement comme sous une décharge électrique, oh ces yeux exorbités, ce rictus épouvantable, et surtout ce visage qui retrouvait l'ultime flamme de la vie, son vrai visage d'avant, d'avant ce désastre annoncé.

    Le visage de Saupa refléta une tristesse profonde, elle sembla ressentir ce que j'avais ressenti. Allais-je lui dire ce qui s'était passé ensuite?  Ce fut si... invraisemblable, anormal au regard de notre société où l'on n'arrête pas de nous fatiguer avec nos racines chrétiennes, et au regard d'ailleurs de quasiment toutes les civilisations sur cette planète. Quand une personne meure en Thaïlande, on l'accompagne durant trois jours. Tout d'abord on dresse un dais devant la demeure du défunt, ensuite on installe des tables et des chaises en plastique pour la famille, les amis, les voisins. Et tout au long de ces trois jours, des visites, des fleurs, des couronnes offertes, de la nourriture et des boissons servies sous le dais, des discussions, des souvenirs échangés. L'âme du mort est accompagnée, ce se fait avec dignité et sans pathos avec la bénédiction des moines dans la monotonie vibrante de leurs voix qui récitent les sutras.

    Saupa, Saupa, je suis sûr que je vais te choquer, mais il faut que je te le dise, rien que pour moi, il faut que je me débarrasse de cette effarante et vertigineuse histoire écrite par ce fils sorti du ventre de cette femme qui venait de mourir...

    geob
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    Message par geob Mar 7 Aoû - 16:25


    Phisao (sœur aînée)

     (suite)


    -  Saupa, ma sœur aînée a été incinéré dix jours après sa mort.
    Elle me regarde, interloquée. Manifestement, c'est une nouvelle à laquelle elle ne s'attendait pas.

    - Pourquoi? me demande-t-elle, un peu tendue, sur le qui-vive.

    Alors je lui raconte l'impensable. Son fils, cet homme qui est sorti de son ventre, avait réservé un luxueux mobil-home pour une semaine de vacances dans un parc d'attraction, en compagnie de sa femme, de ses enfants, et de ses beaux-parents...

    ... Saupa pousse un cri d'indignation, elle claque sa main sur la table, elle se lance dans une plainte véhémente sur l'ingratitude des enfants : ils oublient vite tout ce qu'ils doivent à leurs parents ! Malheureusement je ne comprends pas tout, je suis ému de la voir aussi touchée, je ne l'avais jamais vue aussi dans une telle colère, alors je n'ai pas besoin de lui décrire toutes ces images qui me reviennent en mémoire...

    Je m'attendais au pire, je savais que c'était fini, alors quand j'entendis  la funeste annonce au téléphone je ne fus pas surpris. Le dimanche matin de ce mois d’août 2017,  je me rendis à l'hôpital pour être aux côtés de ce dorénavant étranger qui devait reconnaître le corps de sa mère, ce corps où sa vie avait commencé bien au chaud, bien à l'abri, enfin la voir une dernière fois. A ma grande surprise, lui, je le vis vêtu d'un bermuda, d'un tee-shirt, il chaussait même des mocassins sans socquettes comme pour donner une touche finale au tableau d'un été non contrarié. Bien entendu, il était dans tous ces états, et pourtant. Après la pénible épreuve, nous nous retrouvâmes dehors et je l'encourageai parce que le lendemain, le lundi, il allait être dans l'obligation de faire toutes les démarches nécessaires en ces circonstances, ce dimanche les bureaux administratifs étant fermés. Tandis que je lui parlais, il me regardait... dans ces yeux je lisais quelque chose d'indicible, mais je n'étais que dans l'émotion et la naïveté, je ne pouvais imaginer l'invraisemblable. L'après midi de ce jour où nous venions de constater le décès, il prenait la route des vacances - la tangente - avec toute sa famille, ses beaux parents suivaient dans une autre voiture. Le lundi, son épouse  eut l'ahurissante impudence de publier sur Facebook des photos où toute sa famille dévale joyeusement un toboggan pour atterrir dans la piscine - elle mit plusieurs jours à réaliser son insondable bêtise, et elle finit pour les retirer... trop tard, le mal était fait....

    ... Tout à coup, Saupa, au comble de l'indignation, lance, et ça je l'ai bien compris :

    - Fanfan et Monica ont eu raison de ne pas faire d'enfants !

    Saupa est stupéfiante ! Encore une fois c'est vraiment une thaïlandaise pas ordinaire, alors que toutes ses compatriotes sont tellement gagas devant les bébés, surtout les garçons, et elle, elle affirme quelque chose qui va à l'encontre de ce qu'elle a vécu puisqu'elle a une fille, une fille sur qui elle m'avait fait des confidences ravies mais bien curieuses par rapport à la culture et à la tradition thaïlandaise, quelques semaines plutôt. Que se passe-t-il? Le visage de Saupa est marqué par une tumultueuse émotion, je ne l'ai jamais vue aussi bouleversée. Je suis un étranger, elle m'est étrangère par rapport à mon monde, je suis à 10 000 kilomètres de chez moi, et nous partageons dans une commune humanité la désolation irréparable de l'humiliation post-mortem d'une femme qui ne méritait pas ça, d'une femme si fière d'avoir mené sa vie en toute indépendance, sans rien devoir à personne.

    Oh quel voyage ! Voici que Saupa pose ses bras sur la table et me tend ses mains pour serrer les miennes, ses mots deviennent doux, réconfortants, et... bon sang... des larmes coulent sur son visage, des grosses larmes qu'elle ne peut contenir. Le cœur de Saupa déborde d'empathie et de compassion parce que c'était ma sœur aînée, et puis sans doute pour moi parce que j'ai été temoin de cette volonté de privilégier des loisirs pour les enfants, et se mettre ainsi à leur niveau, enfin de compte de se comporter dans l'exacte représentation de la société soi disant chrétienne dont la spiritualité se résume dans le consumérisme forcené et l'impossibilité de devenir adulte, d'être un Homme... un Humain !...

    Mais il y avait un homme qui pleurait, à la sortie de l'église. Le visage inondé de larmes, ravagé par une peine immense. Je ne le connaissais pas, je m'approchai.
    - Excusez moi, qui êtes vous?
    - Je suis son concierge, enfin j'étais...
    Je le remerciai et lui serrai la main chaleureusement. Ailleurs, dans l'autre famille, je ne voyais pas de la peine. Les beaux parents de cet individu qui a abandonné sa mère dans la morgue pas suffisamment réfrigérée de l'hôpital, une mise en consigne en somme, racontaient qu'il ne fallait pas rater TF1 tel jour parce qu'ils avaient participé à un jeu télévisé où ils avaient gagné 15 000€ contre un couple d'homosexuels et ils étaient bien contents de leur avoir mis bien... Et puis maintenant leur fille n'avait plus cette belle-mère honie sur le dos, tout irait bien. Comme dans beaucoup de familles, l'argent atténue bien des chagrins, n'empêche leur fille avait tenu à nous faire savoir leur peine durant cette semaine de vacances qu'elle n'aurait annulée pour rien au monde :

    - Avec C.,  nous avons pleuré tous les soirs dans notre mobile-home !!!

                                            ********
    Fanfan et Monica.

    Et leurs compagnons, Christophe et Patrick. Des Francais que l'on rencontre qu'en voyage. En effet, ils ne pointent pas tous les jours à leur travail, pas le genre ! Ils se sont crées des conditions de vie et de travail qui leur permettent de vivre dans une certaine liberté, même si ce n'est pas toujours facile, en tout c'est au moins leur choix de vie et non pas une vie imposée et toute tracée. Et ils ont tous les quatre plus de cinquante ans ! Je les ai présentés à Saupa et ils sont devenus tous les quatre charmés par elle. La première fois, Saupa  a demandé à Fanfan et Monica si elles avaient des enfants et elle a été surprise par leur réponse négative. En Asie, ne pas avoir d'enfants après un certain âge, c'est bien étrange





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    Message par fabizan Mar 7 Aoû - 20:41

    Comme Saupa, je suis indignée pleurs


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    Message par Skyrgamur Mar 7 Aoû - 22:42

    Comme Fabizan. Comment est-ce possible ?


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    Message par geob Ven 19 Oct - 21:21


    Une semaine à Patmos.

                                                       

    1



    Lorsqu'on se penche sur son passé... eh bien non, je ne me penche pas sur mon passé, seulement je laisse les souvenirs frapper aux portes de ma mémoire.  J'en ai ouvert une depuis quelques jours, des images de Patmos défilent devant mes yeux, enfin surtout celle du souvenir d'une expérience dont je me serais bien passé de la vivre.

    Bon sang ! C'était il y a quarante trois ans !

    Je débarquai à Patmos après trois semaines de vadrouille maritime entre les îles, seul. Je précise seul parce que la vérité m'oblige de souligner que j'avais entrepris ce voyage en novembre et décembre 1975 avec un camarade de travail qui eut l'étrange manie d'acheter exactement les mêmes objets que moi, jusqu'à se retrouver démuni d'argent au bout de trois semaines. Pas moi. En effet, je partis avec une carte bleue, la Visa n'existait pas à l'époque et les cartes  de crédit n'étaient pas aussi banales et répandues comme aujourd'hui, avec en complément mon carnet de chèques en guise de chèques de voyage : le retrait dans une banque européenne se pratiquait en établissant un chèque d'une somme désirée, accompagné par le petit rectangle de plastique qui, finalement, s'apparentait à un titre d’identité. Evidemment, on ne voyait pas encore de partout les machines qui vous crachent de l'argent à la demande ! Ainsi, au bout de trois semaines, je ne me trouvais pas fort dépourvu puisque je pouvais toujours retirer des billets de banque rassurants, par contre mon collègue et néanmoins camarade se retrouva tout bête d'avoir voulu acheter les mêmes souvenirs que les miens, il lui restait donc juste de quoi revenir à Athènes, changer la date de son billet d'avion et s'en retourner à Paris. Comme il ne me demanda pas de lui avancer de l'argent pour continuer le voyage en ma compagnie, et comme je ne le lui proposai pas, il en fut ainsi et la suite me prouva qu'avec lui cela aurait été encore plus difficile car les retraits avec la carte bleue étaient tout de même limités, surtout à Patmos où l'unique épicerie servait de succursale de la banque de Grèce, et agence de voyage pour vendre les billets des  ferrys. Après avoir pris une chambre dans un petit hôtel, j'entrai dans la dite épicerie avec la grande certitude de retirer de l'argent. Je présentai donc mon carnet de chèques et ma carte bleue. L'épicière prit ma carte, l'observa soigneusement, la retourna, et me la rendit, un brin soupçonneuse : elle ne connaissait pas ce bout de plastique, jamais vu, et puis elle ne voyait pas bien pourquoi elle me donnerait de l'argent national sur simple présentation de ce qui était pour elle, visiblement, une curiosité dont elle n'avait jamais entendu parler. J'eus beau insister, expliquer, rien à faire, l'épicerie banque de Grèce de Patmos refusa d'abonder mon portefeuille - heureusement, j'étais seul. Alors, avec ce qui me restait, j'achetai un billet de bateau pour Athènes - le moins cher possible, c'est à dire juste le droit d'étaler mon sac de couchage sur une plateforme dans la grande salle du ferry. J'achetai aussi du pain, de la confiture, du lait Nestlé en tube. A cette époque, pour "faire routard", je voyageais donc avec un sac de couchage, un camping-gaz -qui se souvient de la petite cartouche bleue, peut être que ça existe toujours? - un récipient pour faire chauffer de l'eau et une tasse en aluminium - me semble-t-il. Tout cet équipement s'avéra fort utile pour la suite de mon séjour sur l’île de Patmos....



    Qui va doucement, va longtemps   la star !
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    Message par geob Sam 27 Oct - 22:16


    Une semaine à Patmos


    2



    J'avais débarqué en début de semaine, le prochain bateau pour Athènes était prévu le jeudi soir. En attendant je m'infligeai un plan de rigueur, juste pour ne dépenser que le strict nécessaire, conserver quelques billets au cas où. Alors je fis le touriste, rendit visite au monastère et à la grotte de la révélation de l'Apocalypse, selon St Jean. Je ne puis en dire plus et je ne veux pas lire la fiche Wikipédia. Je me souviens vaguement des ruelles étroites du village, elles montent au sommet de la colline, vers le monastère ; je me souviens aussi que je me suis retrouvé au milieu de touristes grecs qui écoutaient un pope avec une barbe bien fournie. Des photos? Non, aucune, mon appareil attendait le retour en France au fond de mon sac à dos : il était cassé, ayant fait un vol plané de l'arrière de la Coccinelle que nous avions louée jusqu'à la portière du passager, vitre baissée, après un violent coup de frein du collègue qui conduisait. Bon, il faut dire que je l'avais posé sur nos affaires entassées sur la banquette arrière, donc il se trouvait sur une certaine hauteur, bizarrement je ne le reçus pas sur la nuque, il effleura juste mon oreille droite. Cette trajectoire ahurissante, originale, unique, difficile à reproduire volontairement, me couta relativement cher.


    Jusqu'au jour du départ, je me baladais dans l'île avec de maigres provisions, découvrais des criques superbes, isolées. Il faisait beau, il faisait bleu, la température me convenait parfaitement et, au fond, je ne m'inquiétais de rien tant la vie ici me paraissait tranquille, facile, et l'air si pur. Toutefois, je m'endormais chaque soir avec une sensation de faim, fort désagréable, mais pas suffisante pour m'affaiblir sérieusement. Petit déjeuner dans ma chambre, deux tasses de café au lait, deux tartines de pain avec de la confiture, à midi un casse-croute, et le soir juste un plat dans une taverne. C'était un régime de jockey. Après tout, ressentir la faim me rappelait que je mangeais surtout par réflexe pavlovien, sans avoir véritablement faim. Éduqué comme pour la plupart des gens, mon corps s'était habitué de manger à heures fixes, le matin, le midi et le soir, alors mon estomac secrétait les sucs gastriques durant ces courtes périodes, survenait ensuite cette sensation de faim, je dis sensation parce si vous l'ignorez volontairement, cette sensation disparait rapidement.

    Enfin, le jeudi arriva. Le vent se leva dans l’après-midi. A la nuit tombée, me voici sur le quai d'embarquement, en compagnie d'un couple de routards hollandais. Nous étions les seuls passagers en attente, personne dehors, comme si tout le monde s'était barricadé dans leurs maisons pour se protéger de ce vent bruyant comme une sirène d'alarme. Le braiement des ânes dans cette nuit triste et inquiétante rendait l'atmosphère inoubliable. Par moments, le vent soufflait plus fort, ce qui semblait inciter les bêtes à lancer des cris encore plus puissants, horribles, parfois j'avais l'impression d'entendre des lamentations atroces, des appels au secours qui résonnaient dans les ruelles du village, jusqu'au somment de la colline.

    Enfin, nous vîmes les lumières du ferry qui s'approchait...







    Qui va doucement, va longtemps
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    Message par geob Ven 16 Nov - 15:13

    Une semaine à Patmos


    3



    Et dire que mon premier voyage aurait pu être le dernier, comme ce fut le cas pour mon collègue, dégoutté à jamais de prendre un avion et de laisser ses pantoufles au pied de son lit,  c'est à dire son quotidien soporifique mais si rassurant.


    Revenons à cette nuit de Patmos...

    ...  alors que le ferry tentait d'accoster pour seulement le couple  hollandais et moi, et peut-être, sans doute même, permettre à des passagers de débarquer. Le vent violent narguait les marins, rendait vaine leurs manœuvres.  Au bout de la troisième tentative infructueuse, le bateau reprit le large. La catastrophe ! Paniqué, j'étais sur le point de craquer, de pleurer. Oh ma nuit de Walpurgis ! Mais les sorcières se trouvaient en moi, elles se moquaient de ma faiblesse :  elles ricanaient, elles ironisaient sur ma déconfiture, mais qu'est-ce que je fichais là,  je ne serais pas mieux chez moi loin de tous ces ennuis, de ce vent qui semblait vouloir m'assommer par son mugissement infernal? Elles m'achevèrent en me poussant à réagir comme un enfant affolé :
    - Ah bon dieu ! Je suis dans la merde ! Comment je vais faire, mais c'est pas vrai !

    Le hollandais me jeta un coup d’œil. Il avait ouvert son thermos et versait dans une tasse un liquide chaud pour son amie.
    - C'est ça la vie, me dit-il en français, un jour ça va, un jour ça va pas !

    Je le regardai, médusé, et surtout mortifié. Ce fut comme si un raz de marée m'avait débarrassé de toutes pensées parasites, de ces voix moqueuses, et je n'entendis même plus le vent.

    Sans demander mon reste de gifles morales, je repris ma chambre de l'hôtel que je venais de quitter. Le patron m'annonça le prochain ferry pour dimanche. Une fois dans ma chambre, je comptai mon argent rapidement puisqu'il n'y avait plus grand chose dans mon porte-monnaie. J'estimai que j'avais de quoi me payer un taxi pour le centre ville d'Athènes, et quant au reste... je devais me serrer encore plus la ceinture, et ne plus rien, absolument ne plus rien dépenser. Je fis l'inventaire de mes maigres provisions : un tube de lait Nestlé bien entamé, un petit pot de confiture, du pain, enfin de quoi me faire quelques tartines lilliputiennes, et pourvu que la cartouche de mon camping-gaz ne me lâche pas ! Je m'allongeai sur lit, demain sera un autre jour.

    Le lendemain matin, je me blindai d'orgueil  et décidai de ne pas rester dans ma chambre. Je dominai l'envie de manger d'un coup ce qu'il me restait, c'était là à portée de ma main et de mon ventre guère rassasié depuis ces derniers jours, mais un souvenir de lecture s'imposa soudainement : une histoire de naufrage maritime, on distribuait quotidiennement des biscuits de survie dans la chaloupe, et un seul passager prit la peine de couper son biscuit en trois pour les manger le matin, le midi et le soir, eh bien faisons comme lui,  me suis-je dis, j'aurais au moins l'illusion de faire mes repas de la journée aux heures convenues. Ainsi, mon petit déjeuner se composa d'une tartine de pain, quasiment juste une bouchée, avec de la confiture et une tasse en inox remplie de café avec du Nestlé. Trois fois par jour ! Pourvu que je tienne le coup, me disais-je, et pour cela je ne voyais qu'une seule solution : s'occuper du matin au soir, surtout ne pas rester sur le lit à compter les mouches sur le plafond, surtout ne pas se laisser imposer cette sensation pourtant prégnante de la faim...


    Maadadayo !
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    Message par geob Mar 4 Déc - 16:20

    L'épilogue de Patmos



    Ce fut horrible de se réveiller tous les matins avec cette pensée omniprésente, la même que celle qui précédait mon sommeil pas du tout récupérateur : j'ai faim ! Voyager pour connaitre la faim, je trouvais cela loin d'être motivant. Après tout, c'était ma faute, j'aurais dû me renseigner sur les possibilités de retirer de l'argent sur l'île de Patmos. Mon orgueil me contraignit de ne pas m'humilier à quémander quelque chose auprès des habitants, bien que la faim justifie l'emploi de n'importe moyen pour se sauver, survivre, mais j'étais loin d'être anéanti par ce jeune sévère, précédé par cette diminution calorifique nécessité par un souci d'économie.

    Sortir de ma chambre, oui, et surtout sortir de moi-même, ne plus penser, ni se projeter vers des lendemains meilleurs avec des assiettes remplies de nourriture roborative, accepter tout simplement ce qui arrivait car cela n'aurait servi à rien de se lamenter, les lamentations ne coupent pas l'appétit. Etre présent, conscient dans tout ce que je faisais. Ainsi, je passais la journée sur les sentiers, j'arrivais dans des criques désertes où le bleu de la mer se confondait avec le ciel, un bleu profond, bizarre et froid, je sentais le vent qui effleurait mes oreilles et  devenait un compagnon qui me parlait de la beauté des paysages, j'entendais au loin une mère qui appelait son enfant, je voyais avec une acuité inhabituelle le moindre insecte dans les herbes, les oiseaux de terre ou marin, même ceux au loin qui semblaient naviguer sur les vents, rien ne m'échappait, je voyais, j'entendais tout, comme si l'impossibilité de manger à ma faim m'avait lavé des pesanteurs liées aux habitudes, réveillé en moi tous mes sens que je n'utilisais que par réflexe, jamais consciemment, jamais dans leur entière potentialité.

    Un matin, dans le village, j'entendis distinctement une dame qui émettait de drôles de sons, criards, la tête levée vers le ciel. Elle avait sorti et déposé devant la porte de sa maison, face à la mer, une petite bassine en métal. En d'autres circonstances, je n'aurais rien remarqué, seulement ma curiosité exacerbée par cette mise à vif de tous mes sens m'amena à observer des goélands - il me semble, vu leur taille. A ma grande stupéfaction, ils se posèrent devant l'entrée de cette maison, accueillis par cette dame qui ne cessait de... leur parler ! Sans crainte, les oiseaux plongèrent leurs solides becs dans cette bassine remplie de nourriture.

    Hé ! Madame ! Je suis un oiseau, pouvez vous me donner à manger?

    Le dimanche matin arriva enfin, sous un ciel bleu étincelant. J'embarquai sur le ferry pour Athènes, et je fis la traversée allongée dans mon duvet pour éviter de brûler le peu d'énergie qu'il me restait.

    Quand j'ai commencé à écrire ces lignes, je me suis vite rendu compte que je ne me souvenais plus de quelle façon j'étais arrivé devant mon hôtel, à Athènes. Finalement, vu mon état de fatigue extrême, je pense que cela n'a pu être qu'en taxi, et d'ailleurs, au comptoir de l'hôtel, je me souviens avoir dis au responsable que je le paierais demain : là, je n'avais vraiment plus rien en poche, le taxi avait donc avalé mes dernières ressources.

    Une fois dans ma chambre, je pris une douche et je m’allongeai sur mon lit, sur et sous des draps propres, avec volupté, détendu mais toujours et de plus en plus affamé. C'était la fin de l'après midi, vers 17 heures environ, et je ne bougeai plus de la journée. A 22 heures, un coup de fil de la réception, le type parlait bien français et il s'informa de mon état de santé, si tout allait bien, il s'inquiétait un peu de ne m'avoir pas vu descendre depuis mon arrivée. Je le rassurai de mon mieux.

    Le lendemain matin, je me rendis à la banque nationale de Grèce, avec mon carnet de chèques et ma carte bleue. Enfin des drachmes ! Et la première chose que je fis, ce fut d'entrer dans un café-pâtisserie où je mangeai de succulents beignets chauds au miel. Le moral s'en trouva conforté, encore quelques jours à Athènes avant de retourner en France, quelques jours pour me retaper et reprendre un peu du poids. Je payai, et je sortis déjà en quête de ma prochaine dégustation de mets délicieux, sans me soucier de leurs prix, sans plus rien calculer !Mais.. j'entendis quelqu’un m'interpeller, je me retournai et je vis la femme qui tenait la caisse de la pâtisserie courir vers moi. Ah c'est pas possible ! Qu'est-ce qu'il y a encore ! J'ai bien payer pourtant !La charmante grecque s'arrêta devant moi, essoufflée. Elle me tendit un billet de banque : j'ai oublié de vous rendre intégralement votre monnaie ! Et elle s'en retourna aussi vite, me laissa pantois et heureux d'avoir effectuer ce premier voyage.




    Maadadayo !
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    Message par geob Jeu 20 Déc - 4:50

    Horreur ! C'est déjà Noël !



    Le 19 décembre, c'était déjà Noël à Chiang Raï ! Certes, il y avait des thaïlandais, mais c'étaient surtout les gens des ethnies plus ou moins bien considérées par les autochtones. C'est pourquoi les missionnaires - surtout protestants - font recette parmi les akhas, lisus, lahus, karens.... car, faut le reconnaitre, je crois n'avoir jamais vu des moines bouddhistes dans les villages des collines et des montagnes. Bon, Noël est devenu une fête païenne, consumériste partout dans le monde et là ce fut avant tout une réunion festive, très kitch, avec spectacles sur scène digne d'une fête de patronage : vaut mieux simplifier le message chrétien bien compliqué à saisir !

    Près de la scène, le Père Noël prépare sa distribution de friandises, quant aux cartons empilés je ne savais pas encore ce qu'ils contenaient...

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    Voilà, ça y est, il distribue ces horribles petits gâteaux moelleux qui font le délice des petits !

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    La petite fille en gris est très maligne...

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    Il y des enfants circonspects, un peu méfiants...

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    On porte une coiffe labellisée jour de fête. Le 25 décembre beaucoup de thaïlandaises arboreront des bonnets rouges avec des pompons, ce qui ne les empêchera pas de se déclarer bouddhistes.

    Debriefing II - Page 4 1-akha14.

    Et puis, au micro, une annonce qui déclencha une folle agitation. Tout le monde s'est précipité près de la scène où se trouvaient les cartons. Distribution... gratuite de je présumais des cadeaux, et, comme partout dans le monde, quand c'est gratuit ça se bouscule, ça joue des coudes. Alors je suis allé derrière les distributeurs qui bataillaient pour ne pas se faire arracher les mains.

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    Que le diable m'emporte ! Toute cette bousculade pour avoir des bibles gratuites ! Et je me demande si la gratuité n'était pas la première motivation ! D'ailleurs j'ai vu pas mal de gens, tous fiers de partir avec deux, voir trois bibles en mains, des enfants s'amusaient à feuilleter l'ouvrage sans s'arrêter sur une page !

    Est-ce que tout le monde s'est comporté de la même façon? Non, il y en a au moins un qui a considéré tout cela de haut !

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    Message par fabizan Jeu 20 Déc - 12:47

    Oh la vache, un géant chez les Thaïs ! rire


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    Fabienne
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    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par geob Mar 25 Déc - 15:03

    Perdre la face.



    Mais oui, les voyages immobiles peuvent être très intéressant. Aller d'un endroit à l'autre,  ne faire que passer, survoler pour dire "j'ai fais" tel ou tel pays, accumuler des images qui finissent par s'estomper dans la mémoire, pourquoi pas? Ce n'est plus pour moi : j'ai horreur de faire ma valise ! Ainsi, dans le quartier du Kholoï, près de la rivière Kolk à Chiang Rai,  je reste et j'observe tandis que les habitants m'observent et savent qui je suis. Cela fait bizarre d'être considéré comme une personne alors qu'à Paris je ne suis qu'une silhouette  dans la masse des silhouettes habillées couleur passe-muraille.  Dans mon quartier il peut m'arriver d'oublier un visage, ou du moins de ne pas arriver à me remémorer le contexte de la première rencontre. Ainsi, il y a deux ans, j'ai croisé cet homme à l'entrée de mon hôtel. Je me suis dis "tiens, sa tête me dit quelque chose", mais c'est lui qui m'a arrêté, il m'a rappelé qu'il tenait avant le petit garage où il réparait les motos.  Il m'a indiqué sa nouvelle adresse, toujours dans le Kholoï. Il venait chercher du linge dans mon hôtel parce que sa femme tient une "laundry", alors il m'a semblé judicieux pour la suite de porter diectement mon linge sale chez cette connaissance plutôt que de me rendre au centre ville.

    Sa femme est charmante, la cinquantaine bien assumée. Elle est myope comme une taupe et, bizarrement, elle ne fait rien pour corriger cet handicap, comme si elle refusait de porter des lunettes ou alors, simple hypothèse, elle n'a pas envie de mettre de l'argent dans la consultation d'un ophtalmologue et l'achat d'une paire de lunettes. En tout cas, elle a du caractère et n'est pas du genre à se laisser dompter par son mari. Tiens, je me souviens d'un matin où j'avais déposé mon linge, ce dernier m'invita à ne pas oublier de le récupérer en fin d'après-midi car, le lendemain,  ils partaient passer le week-end à Mae Chan.
    - Vous avez une maison, là bas?
    - Non, c'est la maison de ma femme !

    Cet homme est toujours en train de faire quelque chose, tantôt avec les motos - il s'est agencé un petit atelier près des machines à laver de sa femme -, tantôt il repasse du linge tandis que madame discute avec ses copines.

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    Une fin d'après midi, il n'y a pas longtemps, je suis allé cherché mon linge déposé le matin - la vie vie facile, quoi ! Sa femme ramassait des vêtements sur les séchoirs, et lui, m'ayant vu arriver, m'a tout de suite amené mon sac.
    - Quarante baths, me dit-il (sii sip baths)

    Je lui ai tendu un billet de vingt baths en l'annonçant en thaï, et toujours en thai, j'ai sorti d'abord une pièce de dix baths :
    - Trente... (sam sip)
    J'ai cherché une pièce pour arriver à quarante baths quand la voix de sa femme a retenti, irritée.
    - sam sip !!!
    Le mari, surpris, s'est tourné vers elle - toujours entre les séchoirs.
    - sam sip !!! a-t-elle insisté.

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    Le visage de son mari s'est décomposé. J'étais stupéfait ! Lui faire perdre la face devant moi, un étranger, un "farang"...elle avait osé ! Comme quoi, c'est elle la patronne ! Elle est passé derrière son mari visiblement en colère, et elle est entré dans leur local sans rien ajouter. Lui, le pauvre, il s'est excusé platement. C'est trente baths, dit-il, je me suis trompé, j'ai dû confondre.

    Je ne pense pas qu'il ait voulu me rouler, et même j'en suis sûr - euh...

    Bien entendu, j'ai réagi comme il se doit en lui disant plusieurs fois "maï pen raï", "mai mi pan a",  n'est pas grave, pas de problèmes, mais avec un sourire en coin que j'ai eu du mal à contenir.


    Skyrgamur
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    Message par Skyrgamur Mar 25 Déc - 17:40

    Il voulait se faire un peu d'argent de poche sur le dos du farang.
    A moins qu'il n'y ait eu une engueulade avant ton passage et qu'elle avait un compte à régler avec lui, lui faisant perdre la face devant toi. sourire


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    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par geob Jeu 14 Mar - 15:15

    Luang Prabang


    Si j'écris : dorénavant, Luang Prabang est une ville vouée entièrement au tourisme, on me dira à juste titre que j'enfonce une porte ouverte. Mais voilà, ce Luang Prabang ne concerne que le centre ville, ailleurs il y a toujours les marchés où l'on vend des légumes, des fruits, viandes, poissons, etc, etc, quant aux souvenirs,  objets "culturels" et vêtements - quelquefois fabriqués en Chine - ethniques,  équitables, dotés d'une grande valeur différentielle plutôt qu'usuelle, prière de rester au bord du Mékong.

    Tout de même, le nombre de guest houses en construction, et qui parfois ferment ou sont à louer, est invraisemblable...

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    (ouvert janvier 2018)

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    ...souvent dans des jolies ruelles où la végétation dépayse le promeneur ébahi d'être tout de même non loin de la rue principale, fermée à la circulation en fin d'après midi pour permettre la mise en place du marché de nuit.

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    Il y aussi ces ruelles... où les guest houses ne manquent pas

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    Tout le monde veut sa part du gâteau. Pourtant, il y a quelque chose qui perdure : la bonhomie, la gentillesse et la tranquillité des laotiens. Au fond, ils laissent l'impression qu'ils ne vendront pas leurs âmes au diable pour faire des profits sur le dos des touristes. Ils indiquent leurs prix, tu prends ou tu laisses puisqu'il est à la tête du client (au fond, une pratique traditionnelle fort compréhensible vu que nous n'avons pas le même pouvoir d'achat que l'autochtone) - c'est juste mon impression, je pourrais ajouter et mettre en lumière leur honnêteté mais cela ne dispense pas de marchander surtout vous êtes le premier client de la journée.

    Jusqu'à la fin des années 90, les marchés couverts dans le centre des grandes villes ressemblaient à des souks, ou du moins à l'idée que l'on se fait des marchés dans lesquels la profusion et l'hétérogénie des marchandises procurent le sentiment de faire un voyage sans parcourir de longues distance. Dorénavant, cela donne l'image d'une surface ordonnée, remplie de boutiques avec des rideaux métalliques. Pas très apprécié des laotiens. D'ailleurs beaucoup d'espaces ne trouvent pas preneur, comme dans celui de Luang Prabang. En revanche, un grand supermarché où l'on peut acheter tous les produits d'importation s'est ouvert il y a fort peu.  Au fond, c'est une normalisation qui n’intéresse que les laotiens dotés d'un niveau de vie confortable. Et puis nous, les touristes.

    A Luang Prabang, il y a une rue étroite où tous les jours un marché attire les habitants de la ville, et seulement quelques touristes puisque on y vend des produits de consommation courante.

    Debriefing II - Page 4 1-01516

    Pour ma part, j'aimais beaucoup prendre un petit-déjeuner à la  terrasse - de plain pied - d'une guest-house pour voyageurs "petit-budget". A chaque fois je rencontrais des hauts fonctionnaires laotiens à la retraite, toujours revêtu d'une veste malgré la chaleur. Ils parlaient un français impeccable, me permettant ainsi de converser avec eux sans tomber dans la banalité coutumière inhérente à ces rencontres. Un jour, l'un d'entre eux me dit qu'ils venaient prendre leur petit déjeuner ici pour regarder passer les jolies femmes. Je le revis l'année dernière, seul. Ses amis étaient partis à Vientiane, les filles y sont plus jolies ajouta-t'il avec un sourire malicieux.

    En février 2019, la terrasse n'existe plus. Maintenant un guichet pour la réception des voyageurs occupe le fond de cet espace où il n'y a plus de tables et de chaises.

    Les vieux messieurs ne viendront plus regarder passer les jolies femmes.

    Moi non plus.


    Maadadayo !
    geob
    geob


    Debriefing II - Page 4 Empty Re: Debriefing II

    Message par geob Ven 15 Mar - 4:53

    Post scriptum photographique.


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    Au bord du Mékong, il y a l'arbre aux canettes de bière.

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