Quand ma tete se barre a l'Ouest

Quand ma tête se barre à l’Ouest, c’est en général pour voler au-dessus des Andes à bord du Grand Condor, ou pour cavaler sur l’Ile de Pâques.

Aujourd’hui j’ai embarqué à bord de Pen Duick III que j’ai chopé à Saint-Gilles-Croix-de-Vie-en-l'Hexagone, pis on a mis les voiles pour Rapa Nui. Je dis “on”, parce que “l’Idole des houles” était à bord bien sûr, y avait aussi Cousteau, forcément, parce que Rapa Nui c’est chez lui aussi.

Journée sur l’Ile de Pâques donc, du Polynésien toute la journée dans les esgourdes, je ne comprends rien à ce qu’ils causent, mais ça me met de bonne humeur, ils peuvent m’insulter, c’est du même au pareil, ça file la banane, tellement qu’on me prend pour un bananier sur pattes. J’ai fait du cheval, pis le tour de l’ile à bord de Pen Duick III, ça faisait longtemps que je voulais la voir depuis le Pacifique. Un vrai gruyère qu’elle est !

Ca c’est aujourd’hui, mais depuis quelques temps, ma tête quand elle se barre à l’ouest, c’est pour traverser les Andes du Nord au Sud avec un âne. Des fois aussi je remonte le Purace, d’autres fois je machouille de la coca près de volcans enneigés boliviens, d’autres fois je bois un mate en écoutant les chèvres dans le Nord Ouest Argentin, d’autres fois je marche à travers des villages paumés et y a un chien qui me suit, qui m’a trouvée en route et qui m’a adoptée depuis trois jours.

C’est con quand même de dire que ma tête elle se barre toujours à l’Ouest, parce qu’elle pourrait partir à l’Est, la Terre c’est une citrouille, alors Rapa Nui ou les Andes, j’y accosterais pareil. C’est bien connu en plus, que les petits bateaux qui vont sur l’eau avec leurs jambes, s’ils vont droit devant eux, comme la Terre est ronde, ils rentrent chez eux. Alors par l’Ouest ou par l’Est, c’est pareil. Mais j’imagine que ma tête elle préfère prendre la barre pour l’Ouest, comme ça elle met les voiles sur l’Atlantique qu’elle aime bien, avec Pen Duick III, Eric et les autres. Ca doit lui permettre de passer par Horn et le canal de Panama à la fois, avec peut-être un petit détour par Bonne Esperance, et pourquoi pas revenir par Leeuwin comme ça elle va toujours vers l’Ouest, en suivant le soleil.

Ouai, ma tête elle se barre toujours à l’Ouest, je sais pas pourquoi. Même pour aller voir les beaux gosses iraniens, faut qu’elle file sa bobine par l’Ouest.

En tout cas quand elle se barre, y a pas grand chose pour la retenir. Mes godasses restent plantées avec le reste de ma coquille physique, jalouses qu’elles sont de ne pouvoir monter à bord de Pen Duick III et de prendre le large dès qu’elles le veulent.

Bien barrée ma tête, elle est, ouai.

Bon je vous laisse, j’ai un ceviche de thon qui m’attend sur les rochers.

Lilie

Ne suis plus sur l’Ile de Pâques, et j’ai laché Pen Duick III. Je passe du thon au lama, mais en même temps j’ai passé la journée en Polynesie, alors je peux passer la soirée dans les montagnes sud américaines.
Ma tête est toujours barrée à l’Ouest donc, comme d’hab’. Mais là je suis reviendue dans les Andes, je suis sur le Qhapaq Nan, la grande route Inca qui va du sud de la Colombie à Santiago, au Chili. Je me dis qu’un jour je passerai deux petites années de ma vie là-bas, mais en partant des racines septentrionales de la Cordillère, jusqu’aux bas de cette petite cordelette de 7000 kilomètres de long. Avec un âne. Pis un chien qui m’aura adoptée en route, parce qu’il y en a plein de chiens errants là-bas, pis comme ça il me tiendra compagnie sous la tente parce que j’ai peur toute seule la nuit dans la nature, même si c’est dans les Andes.

C’est comme si y avait un aimant dans les Andes, parce que ma tête elle y revient tout le temps. Ca n'aide pas, super Nenette, faut dire, ça abonde d’informations. C’est de ma faute aussi, faudrait pas avoir ce genre de site dans mes favoris :

http://www.qhapaq-nan.com/index.html

En même temps, ma tête j’aime bien quand elle se barre à l’Ouest, et je ne fais rien pour la retenir. Elle ne fait de mal à personne, au contraire, elle me fait du bien. Elle me fait rêver.

Bon je vous laisse, j’ai plus de souffle, il fait super humide et y a encore un sacré bout de chemin pour planter la tente au-dessus des nuages.

Lilie

Résumé pour la Majorité Singulière : Je passe la soirée dans les Andes, avec mon âne, en suivant la Qhapaq Nan des Incas.

Les grands espaces, les steppes, les hautes vallées et leurs lacs, les paysages à couper le souffle (aussi ! à l'ouest, à l'est, au sud, au nord, y'en a partout ! quels chanceux sommes-nous d'être sur la planète de Dame Nature !)...
les yourtes des nomades et la vie pastorale, les cités impériales de la mythique Route de la Soie aux mosquées et médersas de faïences à vous faire rêver devant les photos...
les noms qui résonnent en tête (sans trop vraiment savoir pourquoi faute de connaissances culturelles suffisantes d'ailleurs) : Gengis Kahn, Khiva, Boukkara, Taschkent, Samarcande surtout...

L'origine réelle de l'envie réside très probablement dans quelques reportages télévisés d'une chaîne documentaire (qui me manque en ce moment !! foutue antenne qui ne fonctionne pas !) avec ces images croisées qui s'incrustent au fond du cerveau et font qu'un jour où les godillots démangent et que d'autres grands projets qui tiennent plus à coeur ne peuvent pas, pour diverses raisons, aboutir, c'est vers là-bas, cet Est inconnu que les ambitions voyageuses estivales se tournent...
Peut-être aussi que le fait qu'une amie voyageuse en soit revenue ravie voici quelques années n'y soit pas pour rien non plus, l'ordinateur cervical ayant enregistré le message...

Quoi qu'il en soit, cet Est-là est beaucoup moins à l'Est que cette Asie si courue qui ne m'attire que très peu (voire pas du tout !), un peu moins à l'Est que cet Himalaya bouddhiste dont je rêve mais qui m'est inaccessible cette année...
Cet Est-là est moins humide que bien d'autres destinations, malgré tout moins chaud que ce Sud d'ébène qui m'appelle irrésistiblement, encore et encore, et porteur de nouvelles découvertes puisque de cette Asie Centrale je ne connais pour ainsi dire, rien.

Malheureusement (ou heureusement, après tout, chacun sa façon de voyager !) je ne suis pas une baroudeuse solitaire, encore moins en pays inconnus. Je préfère le confort d'une logistique bien rodée prise en charge par d'autres que moi, et c'est avec un groupe de TO que je pars. La seule précaution dans mon choix est de m'orienter vers des agences spécialisées dans le voyage d'aventure proposant petits groupes et marche à pieds, des agences que je connais pour leur sérieux (et au diable si, effectivement, il aurait été plus économique et écoresponsable de choisir une agence locale !). Allibert est de celle-ci et ce sont leurs Steppes et Cités Impériales qui ont fait frétiller d'excitation mes baskets et mes yeux...
Près de 3 ans sans Voyager, avec des épisodes professionnel et familial difficiles, deux belles excuses pour chercher le Plus : le Plus long, le Plus de couverture géographique, le Plus de découvertes et d'expériences dans cette Asie centrale où, a priori, je ne devrai pas retourner de sitôt ensuite (à moins d'un coup de coeur dont je ne suis pas à l'abri, en matière de voyages, je me méfie de moi !).

Alors, Lilie, excuse-moi, je dévie cette discussion, mais barrons encore quelques instants nos têtes dans cet Est-là : Kirghistan, Ouzbekistan, Tadjikistan...
Les -Stan avec le K, le O et le T.
Dix-neuf jours pour découvrir Bichkek la russe, les grands espaces de la vallée de la Sussamyr et du lac Song Kul, du lac Issykul et des canyons, Jety Oguz et la chaîne des Tien Shan avec son pic Karakol, Tamshy et le Boom Canyon, les cités de Khiva la moyenâgeuse, Boukhara la ville Sainte, Nourata l'ancienne oasis, Samarcande la mythique, Tashkent... (rien que d'écrire tous ces noms là en essayant de les écorner le moins possible, c'est déjà un voyage !
Longtemps politiquement russes (à peine 20 ans d'indépendance) et encore aujourd'hui russophones, ces régions n'en sont pas moins multiethniques, et surtout très majoritairement et fortement musulmanes... Un Islam "laïc" et des populations très accueillantes paraît-il... Economies essentiellement agricoles, rurales et très affaiblies par l'exploitation par le "grand frère" russe qui perdure... Climat très continental aux hivers très froids et étés très chauds et très secs...
Voilà, je n'en sais pas beaucoup plus. Vive l'aventure !

Petit voyage en -Stan matinal... regard vers là où le soleil s'est levé depuis une bonne heure déjà.
Je chausse les baskets et pars remettre en forme cette foutue carcasse, des images plein le cerveau... la tête barrée à l'est.